C’est qui ce Montazeri?

Le grand Ayatollah [1] Hossein Ali Montazeri était l’une des grandes figures de la révolution islamique en Iran, aux côtés des Ayatollahs Khomeini et Taleghani. Tous les trois avaient passé une grande partie de leurs vies en exil ou en prison, et avaient atteint les plus hauts rangs du Chiisme. Taleghani, premier Imam de vendredi de Téhéran, décéda un an après la révolution. Il ne restait alors que Khomeini et son ancien élève, élu premier président de l’assemblée des experts.

Ensemble, ils mirent en place le régime du « Vélayat-e-faqih », littéralement « patronnage du savant ». Sans rentrer dans les détails, disons que leur régime idéal est chapeauté par un expert vertueux. Cet expert doit, dans leur vision, être  nécessairement un « Marjaa », littéralement « référence », c’est à dire un dignitaire chiite du plus haut rang, réputé capable de proclamer des fatwas. Khomeini devint le premier guide de la révolution, et Montazeri sera  élu comme son successeur par l’assemblée des experts.

Il est assez difficile de savoir ce que pensait vraiment Khomeini. Il a maintes fois répété que cet expert n’avait pas un pouvoir absolu, qu’il devait être surveillé par le peuple (« Si je mets un pied de travers, il est du devoir du peuple de me dire : Tu as mis un pied de travers »), et que le vote populaire devait être la vraie référence. Il s’est même opposé, aux débuts de la révolution, à l’entrée des religieux en politique et notamment pour le poste de président, qui sera donc occupé par le laïc Abolhassan Banisadr.

Mais dans le même temps, les différents courants subirent systématiquement la répression. Les moudjahidines qui étaient protégé par l’Ayatollah Taleghani furent persécutés après la mort de celui-ci. Avec la prise d’otage à l’ambassade des États-Unis et la guerre contre l’Irak (1980-1988), ce furent cette fois les nationalistes qui étaient évincés, pour finalement laisser place qu’aux religieux. Même le grand Ayatollah Shariatmadari sera mis en résidence surveillée pour avoir contredit le « Vélayat-é-faqih ».

Ceci nous amène jusqu’aux années Khamenei (comme président de la république de 1981 à 1989) et Moussavi (Premier ministre de 1984 à 1989). À l’époque, le président a assez peu de pouvoir. L’armée est sous les ordres du guide (Khomeini donc) qui a nommé Hashemi Rafsandjani comme son représentant pour gérer l’armée, et c’est le premier ministre Moussavi qui gère l’économie. C’est à cette époque que Moussavi a acquis sa bonne réputation de gestionnaire, ayant réussi à tenir un pays en proie à la guerre et l’embargo. Moussavi et Khamenei ne s’apprécient guère. Ce dernier ne cesse d’essayer de l’évincer, mais Moussavi, soutenu par Khomeini, reste au pouvoir. Montazeri se range aussi derrière Moussavi, déclarant Khamanei « incapable de gèrer même une boulangerie ».

La situation se retourne à la fin de la guerre. Khomeini est gravement malade, et les décisions prises par lui (ou son bureau) dans la dernière année de sa vie sont étranges. Il proclame la Fatwa contre Salman Rushdi et accepte le cessez-le-feu avec l’Irak. Les moudjahidin du peuple tentent une incursion armée depuis l’Irak qui se solde par une défaite cuisante. Cet événement déclenche une vague d’exécution des prisonniers politiques dans les prisons du pays.

Montazeri marque son désaccord en envoyant une lettre à Khomeini. Son gendre, un des commandant du corps des gardiens de la révolution, fait de même. Khomeini le désavoue et lui retire son titre de dauphin (On ne peut retirer le titre de Grand Ayatollah). Son gendre sera exécuté.

Après la mort de Khomeini, Khamenei accède au grade de guide. C’est une surprise, Khamenei n’étant pas parmi les religieux les plus qualifiés. Il fait modifier la constitution pour permettre son élection en rayant l’obligation d’être un marjaa, octroie plus de pouvoir au guide, et supprime le poste de premier ministre. Moussavi se retire de la vie politique, Hashemi Rafsandjani est élu président.

Montazeri se retire à Qom, où il continue à enseigner. Deux discours dans lesquels il critique les tendances dictatoriales du régime et surtout l’incapacité de Khamenei, entraînent son assignation à résidence. Il continue néanmoins à publier des communiqués pour soutenir les réformateurs et la liberté en général. En 2003, le régime craignant des manifestations en cas de sa mort en détention, enlève les barrières entourant sa maison.

Montazeri était une figure très respectée en Iran, et surtout auprès des réformateurs. Le régime avait essayé d’effacer toutes les traces de son existence en enlevant toutes les mentions de son rôle lors de la révolution dans les manuels scolaires et en rebaptisant les rues qui portaient son nom. Montazeri avait néanmoins gardé de nombreux fidèles à travers le pays qui voyaient en lui un martyr de la liberté. Il n’a cessé de défendre les droits civiques et de combattre le « Vélayat-e-Motlaghé », c’est-à-dire l’idéologie défendue par Khamenei prônant une obéissance totale au guide.

1- Ayatollah signifie littéralement “signe de Dieu”. C’est le plus haut rang religieux de l’Islam Chiite. Il n’y a pas d’hiérarchie entre les ayatollahs. Chaque croyant est libre d’adopter les enseignements d’un Ayatollah de son choix, à condition qu’il soit vivant. Il y en a une petite dizaine, habitant généralement en Iran ou en Irak.

Un commentaire

  1. 22/12/2009 à 9:51

    […] Tags: Elections, Iran, Montazeri, Politics Edit : If you can read French, be sure to read the latest posts about ayatollah’s […]


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